Jac Forton a vécu treize ans au Chili, dont cinq en dictature. Militant d'Amnesty international, il est le référent pour la France sur le respect des Droits de l'homme au Chili ainsi qu'au Guatemala. Ce livre complète une trilogie dont il est l'auteur sur le Chili, après ses deux ouvrages "Vingt ans de lutte" et "La Justice impossible".
Les victimes françaises de la dictature
L'enquête qu'il nous présente ici n'est pas un réquisitoire mais un rappel de faits, le fruit d'une décennie de recherches sur les victimes françaises de la dictature de Pinochet.
Parmi les 3 000 morts et disparus plusieurs Français, dont Alphonse Chanfreau, Etienne Pesle, Georges Klein, Jean-Yves Claudet (de gauche à droite sur la couverture). Ces quatre militants de la liberté ont disparu durant les premiers mois de la dictature. Nul ne les a jamais revus.
Après de trop nombreuses années d'impunité, la France s'apprête à juger les responsables de leur disparition. Pinochet est mort en 2006. Les accusés, ses complices, seront absents. Mais pour Amnesty International, ce procès n'en est pas moins essentiel à la lutte contre l'impunité des régimes violant les droits humains.
L'élection de Salvador Allende, le coup d'Etat de Pinochet, sa chute et les tentatives de renvoi devant la Justice : après un rappel du contexte chilien, Jac Forton nous présente une enquête exceptionnelle, pleine de sensibilité et de pudeur, sur les derniers jours de l'étudiant en philosophie, du conseiller agricole, du pédiatre et de l'ingénieur.
Paradoxalement, l'épisode de la dictature soulève aujourd'hui plus de passions en France et dans les pays occidentaux que dans ce pays d'Amérique du Sud. Les chiliens ont toutes les raisons de vouloir "effacer" ce passé de leur mémoire. Si le pays est resté partagé par de nombreuses lignes de fractures, il s'est peu à peu reconstruit, grâce à une jeunesse qui n'a pas connu les années de dictature.
Plus de 30 000 personnes ont été officiellement reconnues par une commission indépendante comme victimes de tortures. Mais il est aujourd'hui impossible de quantifier les douleurs morales et les fractures induites dans les familles. Au Chili, durant les "années de plomb", des milliers de personnes ont été empêchées de travailler, exclues des administrations et des entreprises pour raisons politiques. Ces "exonerados" tout comme les exilés (politiques et économiques) ont été remplacés par des personnes qui ont elles aussi tout intérêt à se taire.
Oublier, c'est ce dont rêvent la plupart des chiliens, les victimes comme les bourreaux ou ceux qui se sont tout simplement "arrangés" de la situation. Un million de personnes (près de 10% de la population !) ont été exilées, certains pour des raisons politiques, la plupart du fait de la catastrophe économique du début des années 80 (le coup d'Etat a eu lieu en 1973). Paradoxalement, ce sont bien souvent ces familles, par leurs envois d'argent au pays, qui ont permis à leurs familles de survivre. Et au dictateur, grâce à l'appui des médias, de faire croire à un "miracle économique".
Comme le rappelle Jac Forton, Pinochet est mort en 2006, abandonné par son propre camp et "humilié" par des poursuites pour enrichissement personnel. L'auteur raconte aussi la duplicité des banques européennes et américaines (off-shore aux Antilles), "complices dans le circuit de blanchiment d'argent occulte versé à titre de commissions lors de ventes d'armes au chili et en Europe".
Jac Forton a enquêté sur les raisons qui ont maintes fois retardé le procès en France. Et il en conclue que la justice française n'a pas subi de pressions. Elle se veut simplement exemplaire dans ce procès. Un procès qui peut -et doit- se dérouler à Paris dans les prochains mois.
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